Chapitre 13 L'entre deux-guerres


Chapitre 13
L’entre-deux guerres

Le viol des foules par la propagande politique
La démographie atone
Le chauvinisme français, idéal national-socialiste








Le viol des foules par la propagande politique
Serge Tchakhotine est l’auteur du livre Le viol des foules par la propagande politique (Gallimard, 1939). Révolutionnaire russe exilé en Allemagne au milieu des années 1920, il travaille pour les syndicats et met ses connaissances de psychologue et de propagandiste au service de la social-démocratie, jusqu’à l’arrivée d’Hitler en 1933.
Il établit des comparaisons pertinentes entre la propagande politique moderne, notamment en Allemagne, et la publicité, développée aux États-Unis dès les années 20. Les fameuses roaring twenties (années vingt rugissantes) se sont déroulées là-bas au rythme de l’automobile, de l’électricité, du cinéma et du crédit à la consommation (85% des meubles, 80% des phonographes, 75% des machines à laver sont financés à crédit). Jusqu’à la crise de 1929.
« La répétition joue un grand rôle dans la publicité, comme dans toute formation de réflexes conditionnés ; c’est pourquoi dans une affiche qui cherche à persuader, on répète la même idée un certain nombre de fois, ou on la place en grande quantité, ou en beaucoup d’endroits différents, ou encore on la reproduit toujours pareille, pendant une période plus ou moins prolongée. En matière de propagande, Hitler faisait appliquer sa " marque de fabrique ", son symbole, la croix gammée, à toutes les occasions, sur tous les murs, les carrefours et même les édicules publics dans les rues. »
« Autre principe commun à la publicité et à la propagande : les hommes sont souvent enclins à croire aux choses qu’ils souhaitent voir réalisées, même si celles-ci ne sont appuyées que par des arguments peu fondés, mais de type émotionnel. »
La propagande est aussi un spectacle ; en la matière, le défilé militaire occupe une place privilégiée.
« On peut se rendre compte, lors des parades militaires ou des exercices collectifs sportifs, de la fascination qui émane d’une foule ordonnée et exécutant les mêmes mouvements commandés. Les Allemands ont toujours pratiqué avec acharnement ces exercices ; déjà au temps de Frédéric le Grand, ils avaient inventé le pas, qui leur donnait un aspect à la fois formidable et comique : le fameux " pas de l’oie " où des soldats, marchant en files, donnent l’impression de machines ou d’automates parfaits. Ce jeu militaire, d’inspiration plus médiévale que moderne, a peu de valeur réelle pour la tenue des troupes en campagne, mais il a une valeur psychologique en temps de paix, servant à impressionner les foules par une exhibition de force brutale. »
Qui sont ces militaires allemands ? La caste des officiers de la Reichswehr descend en droite ligne des junkers prussiens du Kaiser Guillaume II et, avant lui, de Bismarck. Sûrs d’eux, arrogants, antidémocrates, antirépublicains, " suffisants ", ils regrettent la dynastie des Hohenzollern qui avait fait d’eux l’élite du pays.
Ils ne s’étaient pas sentis responsables de la défaite de 1918 ; c’est pourtant l’armée qui avait demandé au Kaiser de déposer les armes. Ils s’en tiennent à la légende du  " coup de couteau dans le dos " (coup soi-disant porté par les civils démocrates de la République de Weimar) et de la trahison menant au "  Diktat " de Versailles.






La démographie atone
Pourquoi une telle insistance sur la démographie française ? Le rappel des siècles antérieurs l’a montré : la puissance naît du dynamisme de la population. Or, si la France a joué un rôle prépondérant sur le continent européen et dans le monde, c’est moins pour des qualités qui tiendraient à son essence-même (France is different, comme disent les Britanniques) que par la conjonction de trois facteurs. Le politique, une construction monarchique puis républicaine de type centralisé et autoritaire. L’économique, un territoire fertile et riche de ressources. Le démographique, la vitalité et la créativité de sa population.
Le XIXe siècle avait marqué un renversement de tendance. L’Allemagne et la Grande-Bretagne croissaient vivement tandis que nous stagnions ; conséquence probable de la déprime postnapoléonienne où nous étions tombés de haut.
Cette situation ne s’est pas véritablement redressée pendant les années 20 et 30 ; dès 1934, les décès redeviennent, pour une décennie, supérieurs aux naissances. En 1940, 739 000 décès et 533 000 naissances, un déficit de plus de  200 000. En 1941, est enregistrée la plus faible natalité depuis 150 ans, exception faite des années de guerre 1915-1919.









Le chauvinisme français, idéal national-socialiste
Le chauvinisme est une manifestation excessive et agressive du patriotisme et du nationalisme[1]. Le terme " chauvin " désignait un type de soldat trop enthousiaste sous le Premier Empire. Le nom s’est répandu depuis la comédie La cocarde tricolore, des frères Cogniard, dans laquelle un acteur du nom de Chauvin personnifiait un patriotisme exagéré.
Laissons s’exprimer un spécialiste en la matière qui, en écrivant Mein Kampf entre 1924 et 1925, déplorait que le culte de la patrie soit moins développé en Allemagne qu’en France. Hitler nous envie, tout simplement :
« Le nationalisme des autres préoccupe les Français, qui y voient le signe d’un repli identitaire. En revanche, le chauvinisme qui sévit chez eux est vu comme un travers plutôt amusant, un péché mignon. »
« Ce que nous appelons l’éducation chauvine du peuple français n’est que l’exaltation excessive de la grandeur de la France dans tous les domaines de la culture ou, comme disent les Français, de la " civilisation ". »
« Notre système d’éducation ignore l’art de mettre en relief des noms choisis dans l’histoire de notre peuple et d’en faire le bien commun de tous les Allemands. On ne sait pas présenter aux yeux de la génération présente les vrais grands hommes comme des héros ; on se montre incapable, dans les différentes branches de l’enseignement, de faire connaître aux élèves ce qui est à la gloire de notre nation, de s’élever au-dessus du niveau d’un froid exposé des faits et d’enflammer la fierté nationale en citant ces exemples éclatants. »
  « Il faut implanter dans les jeunes cœurs l’union intime du nationalisme et du sentiment de la justice sociale. Alors naîtra un jour un peuple de citoyens, uni et amalgamé par un commun amour et une commune fierté, inébranlable et invincible à jamais. » 
Hitler en 1923, en civil, en gabardine et chapeau

Pour Adolf Hitler, le français Clemenceau est un modèle :
 «  Si j’étais Français et si, par conséquent, la grandeur de la France m’était aussi chère que m’est sacrée celle de l’Allemagne, je ne pourrais et ne voudrais agir autrement que ne le fait, en fin de compte, un Clemenceau. »


[1] L’humour de l’été 36 : « La France aux Français ! », scande à Montparnasse une manifestation nationaliste ; « Le homard à l’américaine ! », réplique la foule, ironique.

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